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"C'est devenu banal": aux Antilles, les armes à feu s'installent au quotidien

| AFP | 117 | Aucun vote sur cette news
Un policier en faction devant le centre de détention de Basse-Terre, en Guadeloupe, le 7 décembre 2025
Un policier en faction devant le centre de détention de Basse-Terre, en Guadeloupe, le 7 décembre 2025 ( Carla Bernhardt / AFP/Archives )

Quand son frère Jessy a été abattu d'une balle dans la tête, en plein jour, Lynsey Belveder n'a pas été surprise. "C'est quelque chose que j'avais toujours craint", souffle la jeune Guadeloupéenne, qui n'imagine plus élever un enfant dans une société où "tous les jeunes sont armés".

"On connaît tous quelqu'un qui connaît quelqu'un qui a perdu un proche dans des circonstances pareilles", reprend la jeune femme, gestionnaire de ressources humaines à Pointe-à-Pitre.

Son frère, 23 ans, a été tué le 7 octobre à Grand-Camp, un quartier populaire des Abymes, pour une banale histoire de rivalité amoureuse. Depuis, Lynsey, se dit "à l'arrêt", les "larmes aux yeux sans savoir pourquoi".

Une sirène de police, un garçon coiffé comme Jessy, et l'anxiété monte. Comme elle, de nombreuses familles guadeloupéennes sont confrontées à la banalisation des armes à feu.

Lundi, le 50e homicide de l'année a été enregistré sur le ressort de la cour d'appel de Basse-Terre, qui comprend la Guadeloupe et la partie française de l'île de Saint-Martin, pour environ 410.000 habitants au total. La victime est un homme de 26 ans tué par balle dans le quartier de Carénage à Pointe-à-Pitre.

Point commun de la plupart de ces homicides: ils ont été perpétrés par arme à feu. Selon le préfet de la Guadeloupe, Thierry Devimeux, 40.000 armes sont en circulation sur le territoire, soit plus d'une pour dix habitants. "Un recours complètement débridé aux armes à feu", déplore le représentant de l'Etat dans un archipel où le taux d'homicide est six fois supérieur à la moyenne nationale.

Signe des temps, les saisies explosent. "On découvre plus d'armes de guerre. De 2022 à 2024, on en trouvait une ou deux par an. Là, on peut en saisir jusqu'à trois trois d'un coup", constate Éric Maurel, procureur général de la Guadeloupe.

Le magistrat, qui n'a de cesse d'alerter sur le fléau depuis plusieurs mois, cite la découverte d'une cache contenant des armes longues et des munitions lourdes dans la cité de Mortenol, un quartier sensible de Pointe-à-Pitre, en novembre 2024.

Adolescents armés

Mais l'écrasante majorité des armes saisies restent des pistolets automatiques Glock ou Taurus, un modèle brésilien. La proximité du continent américain et la porosité des frontières, dans cette région éclatée en une multitude de micro-états, facilitent leur arrivée en Guadeloupe et en Martinique.

En juin, les autorités judiciaires des Antilles françaises avaient déjà tiré la sonnette d'alarme. Éric Maurel s'inquiétait d'une évolution des gangs, "semblant évoluer vers des structurations mafieuses".

Lors d'une visite au pas de charge en août, Bruno Retailleau, alors ministre de l'Intérieur, avait annoncé l'envoi de 15 enquêteurs supplémentaires, l'installation de deux nouveaux radars et l'utilisation d'un drone pour contrôler le trafic maritime.

Pour accélérer les enquêtes, la Guadeloupe sera dotée d'un laboratoire de balistique qui doit être "pleinement opérationnel début 2026", indique Philippe Miziniak, directeur territorial de la police nationale.

Mais ce qui inquiète aujourd'hui les autorités, c'est l'âge des mis en cause.

"Voir autant de gamins aussi jeunes, porteurs d'armes et qui les utilisent, je n'ai jamais vu ça ailleurs", affirme Éric Maurel, fort de 42 ans d'expérience, notamment en Corse et en banlieue parisienne.

Selon lui, certains gangs mettent des armes entre les mains de mineurs de 13 ou 14 ans, livrés à eux-mêmes, dans un "état d'anomie" sans repères sociaux.

Le général Christophe Perret, commandant la gendarmerie nationale en Guadeloupe, y voit aussi une mutation sociologique: "L'arme sert pour un jeune à s'affirmer en tant qu'individu", avance le militaire.

Et l'arme blanche, "outil traditionnel de la violence en Guadeloupe, a pratiquement disparu", relève le général Perret. Sur les 50 homicides recensés depuis le début, 32 l'ont été par arme à feu.

Une tendance que confirme Philippe Miziniak, directeur territorial de la police nationale. "Il y a un usage décomplexé des armes, pour des motifs vraiment futiles", observe-t-il. Des conflits de voisinage, des altercations dans la rue, des gestes impulsifs.

Conséquence: "de plus en plus de gens se promènent dans la voiture avec un revolver, une arme de poing, un fusil", relève Grégory Guyard, avocat s'occupant de plusieurs affaires d'agression.

Ce "au cas où" entraîne "un armement généralisé" et "des drames qui pourraient largement être évités", renchérit-il.

Narcotrafic en hausse, mais pas central

Dans ce climat, la part des homicides liés au narcotrafic est en hausse. "On était à 6-7% il y a trois ans, on est maintenant plutôt autour de 20 à 25%", détaille Éric Maurel.

"Mais on est loin de Marseille, qui en est à 80-90%", nuance-t-il.

"L'essentiel de l'usage des armes à feu en Guadeloupe n'est pas lié au trafic de stupéfiants", insiste le général Perret. Il évoque plutôt "des règlements de comptes, des vols à main armée qui tournent mal, des tirs d'intimidation entre bandes de quartiers et des violences intrafamiliales".

Si la Guadeloupe attire l'attention, le reste des Antilles est tout autant touché. A Saint-Martin, 34.000 habitants, sept personnes ont été tuées depuis janvier. Le phénomène y est même "sans commune mesure" avec la Guadeloupe, alerte le procureur Maurel.

En Martinique, 355.000 habitants, les chiffres sont à peine meilleurs. Deux homicides ont ainsi eu lieu fin novembre en moins de 24 heures, portant à 37 leur nombre depuis le début de l'année, dont 31 par arme à feu.

Un de ces meurtres a particulièrement choqué: un homme de 25 ans, inconnu des services de police, a été abattu dans un véhicule de location. Un enfant de trois ans qui se trouvait à ses côtés a été grièvement blessé à la tête. Le ou les tireurs courent toujours.

Face à cette flambée de violence, le procureur de la République, Yann Le Bris, a lancé un appel à témoins et appelé à "une prise de conscience du rapport aux armes sur le territoire".

Pour Lynsey Belveder, qui tente de faire son deuil, le constat est implacable. "Aujourd'hui j'ai 33 ans, j'ai peur de faire un enfant dans une société comme celle-là".

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