En Guinée, la déchirante quête des familles des jeunes disparus de la migration
"Je sais que le bateau sur lequel mon fils était embarqué a coulé, mais on ne nous a pas montré son corps. Alors dire que le petit est décédé, je ne sais pas...", lâche dans un sanglot Abdoul Aziz Baldé, dont le fils, Idrissa, parti de Guinée à la recherche d'un avenir meilleur, est porté disparu au large du Maroc.
Comme lui, des milliers de jeunes partis clandestinement de Guinée ont disparu pendant leur voyage vers l'Europe, plongeant leurs familles dans une angoisse et une impuissance qui les torturent.
Ce phénomène touche plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, mais le nombre est démultiplié en Guinée, devenue ces dernières années l'un des principaux pays africains d'origine des jeunes migrants en route vers le Maghreb et l'Europe.
Leurs traces s'évanouissent avant un départ en mer prévu dans des embarcations surchargées, une traversée du désert à la merci de passeurs qui parfois les abandonnent, lors d'une rafle policière au Maghreb, durant un emprisonnement en Libye ou dans un centre de rétention, ou dans une ville européenne où ils décident de disparaître volontairement, rongés par la honte d'avoir échoué dans leur rêve.
Souvent abandonnées à leur sort, leurs familles en sont réduites à chercher leurs enfants en écumant sur Facebook les indices d'endroits traversés ou en regardant des boucles WhatsApp macabres qui diffusent des photos de jeunes cadavres dans des morgues ou échoués sur des plages après des naufrages.
Mais depuis un an, une ONG locale, l'Organisation guinéenne pour la lutte contre la migration irrégulière (OGLMI), apporte une lueur d'espoir et d'humanité. Elle a entamé un travail pionnier, que l'AFP a pu suivre, pour identifier les familles des disparus et les aider dans leurs recherches.
"Sur 100 migrants qui bougent, il y en aura au moins 10 qui ne reviendront pas", explique à l'AFP Elhadj Mohamed Diallo, 38 ans, directeur exécutif de l'OGLMI.
Alors que le nombre de disparus guinéens se compte en "milliers", le sujet reste un tabou dans le pays comme au niveau des institutions internationales, déplore-t-il.
En ce matin d'automne, il sillonne la capitale, Conakry, sur sa moto rouge, son collègue Tidiane en passager, puis cahote dans les rues non bitumées d'une banlieue.
"Laisse-moi aller chez eux"
Courant octobre, grâce à un réseau d'associations, l'OGLMI a pu localiser le jeune, vivant et devenu sans domicile fixe à Nantes, dans l'ouest de la France. Il va apparemment très mal, mais sa mère a pu lui reparler et retisser le lien fragile.
D'autres familles ont sollicité l'ONG qui cherche depuis plus d'un an, ce qui laisse peu d'espoir. "Ces familles doivent être accompagnées à faire leur deuil", plaide M. Diallo. "Tous ces disparus, on ne doit pas les oublier".
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