François Bayrou et le MoDem, le mirage du pouvoir

"C'est pas une sortie à la Mendès-France, mais en rase-campagne", ironise un cadre du camp présidentiel. Neuf mois après l'avoir supplanté, François Bayrou cède Matignon à Sébastien Lecornu, un échec pour le centriste qui devait forger des compromis au Parlement et avec les partenaires sociaux.
François Bayrou ne s'est pas éternisé pour son discours de passation. Sébastien Lecornu non plus, qui l'a raccompagné à la porte du 57, rue de Varenne.
Une claire allusion à l'état d'endettement du pays, son mantra depuis un quart de siècle, dont le constat maintes fois répété n'a pas empêché le renversement de son gouvernement par l'Assemblée.
Sébastien Lecornu s'y est référé en évoquant l'"extraordinaire courage" avec lequel son prédécesseur a défendu ses "intimes convictions de militant et de citoyen". Tout en ajoutant, dans un discours laconique: "il va falloir aussi changer, être sûrement plus créatif, plus sérieux dans la manière de travailler avec nos oppositions".
La scène résume bien l'état d'esprit du camp macroniste, où la mansuétude n'est guère de mise pour un Premier ministre qui, après s'être imposé à Emmanuel Macron, a semblé accélérer sa chute avant même l'examen du budget.
La promesse d'un renouveau du dialogue social et politique, porté par le dirigeant centriste adepte de la "co-responsabilité", a échoué lors du conclave entre partenaires sociaux sur les retraites, puis sur ce faux-départ budgétaire sans négociation estivale, après la présentation d'un plan drastique mi-juillet.
Jusqu'à ce vote de confiance sollicité à la surprise générale. "C'est malin", écrit, après cette annonce, une ex-ministre MoDem dans une boucle interne. Sauf que les conditions d'une issue positive du vote n'ont été négociées ni avec le PS, ni avec le RN. Surprise dans les rangs du parti, comme au sein du gouvernement, dont les membres n'ont été informés que quelques minutes auparavant.
-"Jamais rêvé de Matignon"-
Au sommet de l'Etat, on prend soin de ne pas accabler le Premier ministre, tout en insistant sur le caractère inédit de la méthode.

Lors d'un déjeuner à l'Elysée, la semaine dernière, Emmanuel Macron aurait même évoqué l'idée de renoncer à ce vote de confiance, selon l'entourage de l'un des participants.
François Bayrou "a échoué sur ce qui était pourtant censé être un mantra, c'est-à-dire une capacité à dialoguer. C’est quand même singulier d’entrer à Matignon en ayant la responsabilité de devoir trouver une voie de passage et de compromis et de se montrer inflexible à toute concession", juge un cadre d'un des partis du bloc central.
En témoigne le détail du vote de l'Assemblée lundi: seuls 194 députés lui ont accordé la confiance. François Bayrou n'a pas fait le plein dans le socle commun. 13 députés des Républicains ont même voté contre, et 9 se sont abstenus.
"C’est d’une tristesse pour lui... Quarante ans de vie politique qui finit comme ça. Et puis dans l’indifférence générale. Voire dans le soulagement", feint de s'émouvoir un cadre du camp macroniste.
Carrière terminée ? C'est mal connaître le Béarnais, murmurent ses proches. Non, François Bayrou ne nourrit pas d'ambition présidentielle. "Ma liberté c'est que je savais, en passant le portail ici, que ça n'était pas compatible", expliquait-t-il à l'AFP début août.
Mais "son projet n'était pas d'être Premier ministre mais président de la République. Il n'a jamais rêvé d'être à Matignon", glisse un de ses proches.
Le Premier ministre sortant a déjà cédé le pas dans la course à l'Elysée au profit d'Emmanuel Macron en 2017. Et pour la suite ? Un soutien à Edouard Philippe ou à Gabriel Attal n'a rien d'une évidence, tant les relations sont fraîches. Et François Bayrou est encore, jusqu'en 2027, président du MoDem.
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