Référendum sur l'immigration: un succès en trompe l'oeil pour la pétition de Villiers

Avec plus d'un million et demi de signatures revendiquées mais invérifiables et des liens établis avec les médias de la galaxie Bolloré, la pétition de Philippe de Villiers appelant à un référendum sur l'immigration suscite la prudence à droite et à l'extrême droite.
"Une marée montante"; "la dernière voie pacifique" pour des Français "pas prêts à se sentir étrangers à leur propre pays": sur CNews mercredi matin, l'ancien eurodéputé souverainiste s'enorgueillit des soutiens que réunit son initiative et développe son argumentaire anti-immigration.
Lancée début septembre et immédiatement relayée par l'hebdomadaire Le Journal du Dimanche (JDD) qui en fait sa une le 7 septembre, sa pétition reprend une proposition phare du programme du Rassemblement national (RN), de Reconquête! ou encore des Républicains (LR): l'organisation d'un référendum sur l'immigration, jugée "urgente" pour "la survie de la France".
L'entreprise semble fonctionner. En dix jours, le total de signatures revendiquées par le site internet dépasse le million et demi. Un rythme similaire, à première vue, à celui de la pétition contre la loi agricole Duplomb, qui a dépassé les deux millions de signataires au cours de l'été, incitant l'Assemblée nationale à rouvrir le débat.
Les soutiens de Philippe de Villiers, ainsi que les médias où il intervient comme chroniqueur ou animateur (le JDNews et CNews, toutes deux dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré), n'hésitent d'ailleurs pas à dresser la comparaison entre les deux pétitions au fil de leurs éditions.
L'ombre de Bolloré ?
Mais cela a ses limites: là où la pétition anti-loi Duplomb, déposée sur le portail de l'Assemblée nationale, nécessite une authentification sécurisée via FranceConnect, la pétition du fondateur du Puy du Fou ne demande à son signataire qu'un nom, un code postal et une adresse électronique, et ne transmet aucun courriel de vérification ni de confirmation...
Un même internaute peut donc voir validées par le site plusieurs signatures effectuées depuis le même appareil, tant qu'il renseigne à chaque fois une nouvelle adresse électronique.
Peu importe d'ailleurs que cette adresse lui appartienne ou non, selon des essais réalisés par plusieurs rédactions dont l'AFP. Une situation qui rend impossible tout chiffrage rigoureux des signataires.
Par ailleurs, la pétition invite chacun des signataires, s'il le souhaite, à autoriser Philippe de Villiers à communiquer son adresse électronique "à la société Lagardère Media News", groupe de médias de Vincent Bolloré, pour obtenir les communications du JDNews et du JDD.
C'est également l'adresse des locaux de la branche médias de Lagardère (Europe 1, JDD...), dans le XVe arrondissement de Paris, qui figure sur le site internet de la pétition, dans l'onglet relatif aux données personnelles.
Sollicités, ni la branche médias de Lagardère ni Philippe de Villiers n'avaient donné suite à l'AFP mercredi soir.
Les réserves du RN
Malgré les chiffres avancés, le succès de la pétition reste néanmoins assez limité auprès de la sphère politique. Si les leaders de Reconquête! Eric Zemmour et Sarah Knafo ont indiqué l'avoir signée, tout comme le chef des députés LR Laurent Wauquiez à titre personnel. Ce n'est pas le cas de Marine Le Pen.
"Moi, je ne signe pas de pétition, parce que moi, je dépose des propositions de loi", a balayé la cheffe des députés RN sur CNews et Europe 1, tout en indiquant partager "l'inquiétude" du fondateur du Mouvement pour la France (MPF).
Les élus RN comme ceux de ses alliés de l'UDR d'Eric Ciotti n'ont pas non plus relayé l'initiative.
Faut-il y voir une certaine réserve quant à la personnalité de Philippe de Villiers, ou à une méfiance quant à la proximité établie de cette pétition avec l'empire Bolloré ?
"Il y a de la prudence vis-à-vis de tous les éléments extérieurs", concède un cadre RN, tout en reconnaissant que le parti d'extrême droite n'hésite pas lui-même à lancer ses propres pétitions sur le sujet "pour mobiliser les gens, pour récupérer de la data".
"Cette pétition, elle ne débouche sur rien de concret derrière", ajoute-t-il. "La traduction politique, elle est chez nous."
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