Votre navigateur (${ userBrowser.name + ' ' + userBrowser.version }) est obsolète. Pour améliorer la sécurité et la navigation sur notre site, prenez le temps de mettre à jour votre navigateur.      

Au Japon, une procureure dénonce un viol et se bat pour obtenir justice

| AFP | 146 | Aucun vote sur cette news
"Hikari" (nom d'emprunt), qui a dénoncé un viol, lors d'un entretien avec l'AFP le 27 mai 2025 à Osaka ( Richard A. Brooks / AFP )

Au Japon, rares sont les femmes qui osent dénoncer un viol, encore plus lorsque l'agresseur présumé est un supérieur hiérarchique... et l'un des plus hauts procureurs du pays. "Hikari" (nom d'emprunt) a eu le courage de le faire, ce qui lui a coûté cher, personnellement et professionnellement.

Aujourd'hui en congé maladie prolongé, cette procureure a accepté de livrer son histoire à l'AFP lors d'un entretien, à condition que sa véritable identité ne soit pas livrée.

"Ma vie s'est arrêtée depuis l'agression (...) L'autre jour, mon mari a pleuré d'une voix que je n'avais jamais entendue, il frappait contre le mur en disant qu'il n'en pouvait plus", confie-t-elle.

Dans cette affaire très médiatisée, Hikari accuse Kentaro Kitagawa - alors chef du parquet d'Osaka - de l'avoir violée en 2018 après une soirée de travail. Ce n'est qu'en juin 2024 qu'il a été arrêté, inculpé, et que son nom a été rendu public.

Peu habituée à l'alcool fort, elle explique avoir perdu connaissance en cours de soirée. Des collègues ont témoigné qu'elle était montée dans un taxi pour rentrer chez elle, mais que M. Kitagawa s'y était introduit de force.

"Hikari" (nom d'emprunt), qui a dénoncé un viol, lors d'un entretien avec l'AFP le 27 mai 2025 à Osaka ( Richard A. Brooks / AFP )

"Ce dont je me souviens ensuite, c'est d'être chez lui... en train d'être violée. C'était comme un cauchemar. Je ne pouvais pas me défendre, tétanisée à l'idée qu'il pourrait me tuer", déclare-t-elle.

"Homme très influent"

Après l'agression, Hikari est restée silencieuse. Selon ses dires, M. Kitagawa l'aurait suppliée de ne rien dire, affirmant que cela ruinerait le parquet, allant jusqu'à évoquer un suicide.

Il a pris sa retraite environ un an plus tard, mais Hikari affirme qu'il pouvait encore nuire à sa carrière. "C'était un homme très influent et puissant, j'avais peur que personne ne me croie", raconte-t-elle.

En 2024, six ans après les faits qu'elle dénonce, et après avoir été diagnostiquée d'un trouble de stress post-traumatique et s'être mise en arrêt de travail, elle porte plainte.

"Pour retrouver une vie paisible avec ma famille et reprendre mon travail de procureure, j'ai estimé qu'il devait être traduit en justice", explique-t-elle.

Après être revenue brièvement au travail en septembre dernier, elle découvre que des rumeurs circulent, alléguant qu'elle avait été consentante, qu'elle n'était pas ivre... Hikari repart en arrêt maladie.

"Hikari" (nom d'emprunt), qui a dénoncé un viol, lors d'un entretien avec l'AFP le 27 mai 2025 à Osaka ( Richard A. Brooks / AFP )

Kentaro Kitagawa est actuellement jugé et se trouve en détention depuis juin 2024.

Lors d'une première comparution en octobre, il n'a pas contesté les faits et a présenté ses excuses pour le "tort considérable" causé. Mais en décembre, changement de stratégie: son avocat, qui n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP, affirme désormais qu'il pensait que la relation était consentie.

Hikari a rendu publique une lettre manuscrite que Kitagawa lui avait adressée en 2019, où il présentait ses "excuses sincères pour le tort irréparable que je t'ai causé".

D'autres femmes au Japon ont ouvertement pris la parole: la journaliste Shiori Ito a gagné un procès historique en 2019 contre un célèbre présentateur télé, avant d'en tirer un documentaire nommé aux Oscars. Rina Gonoi, ex-militaire, a elle accusé ses collègues d'agressions sexuelles: trois ont été condamnés avec sursis.

Toutes deux ont été saluées pour leur courage, mais aussi victimes d'un flot de haine en ligne.

Monde judiciaire verrouillé

Selon les statistiques gouvernementales, 8,1% des Japonaises ont subi un rapport sexuel non consenti. Parmi elles, seules 1,5% ont contacté la police et plus de la moitié (55,4%) n'en ont parlé à personne.

L'immeuble abritant les bureaux du parquet à Osaka, le 27 mai 2025
L'immeuble abritant les bureaux du parquet à Osaka, le 27 mai 2025 ( Richard A. Brooks / AFP )

Mais selon Kaori Okamoto, de l'Université Seisen, "l'idée qu'on peut parler de violences sexuelles commence à se répandre". Psychologue clinicienne, elle observe des consultations croissantes dans les centres d'aide.

Même s'il n'existe pas au Japon de mouvement #MeToo aussi massif qu'aux Etats-Unis ou en Corée du Sud, des manifestations ont eu lieu en 2019 après plusieurs relaxes dans des procès pour viol.

Des réformes ont été introduites: en 2017, la définition du viol a été élargie, et depuis 2023, il n'est plus nécessaire pour les victimes de prouver qu'elles ont subi des violences ou des menaces.

Dans le monde judiciaire japonais, les violences sexuelles sont, selon Hikari, "monnaie courante". Elle affirme que 21 personnes ont été sanctionnées pour ce motif dans les parquets ces 16 dernières années, d'après les registres publics.

Les procureurs, "sans pression extérieure", "se sentent tout-puissants en gravissant les échelons", assure-t-elle.

En janvier, ses soutiens ont remis une pétition au gouvernement, signée par 58.000 personnes, pour réclamer une peine de prison ferme contre Kitagawa. Elle a depuis dépassé les 68.000 signatures.

"Si je continue à m'exprimer publiquement, c'est pour affirmer haut et fort que les victimes ne sont pas coupables", insiste Hikari. "Je ne connais pas vos visages, mais je veux que vous sachiez que je suis de votre côté."

 ■

Copyright © 2025 AFP. Tous droits de reproduction et de représentation réservés.

Toutes les informations reproduites dans cette rubrique (dépêches, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par l'AFP. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, transmise, rediffusée, traduite, vendue, exploitée commercialement ou utilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de l'AFP. l'AFP ne pourra être tenue pour responsable des délais, erreurs, omissions, qui ne peuvent être exclus ni des conséquences des actions ou transactions effectuées sur la base de ces informations.

Votez pour cet article
0 avis
Note moyenne : 0
  • 0 vote
  • 0 vote
  • 0 vote
  • 0 vote
  • 0 vote
SUR LE MÊME SUJET
Publié le 08/08/2025

L'homme suspecté d'avoir violemment agressé mercredi le maire de Villeneuve-de-Marc, en Isère, a été interpellé vendredi matin ( SEBASTIEN BOZON / AFP/Archives )L'homme suspecté d'avoir…

Publié le 06/08/2025

Isère: un maire grièvement blessé après avoir été agressé dans sa commune ( DAMIEN MEYER / AFP/Archives )Le maire d'un village de l'Isère a été hospitalisé en urgence absolue, mercredi,…

Publié le 16/07/2025

l'ancien PDG d'Elf, Loïk Le Floch-Prigent (centre) et ses avocats arrivent au Palais de justice de Paris le 4 novembre 2002 ( JACK GUEZ / AFP/Archives )Loïk Le Floch-Prigent, décédé mercredi…

Publié le 26/05/2025

Mimi Marchand aux funérailles de Jean-Paul Belmondo, à Paris le 10 septembre 2021 ( Thomas SAMSON / AFP/Archives )Papesse de la presse people, proche des Sarkozy puis gardienne de l'image des…

À LIRE AUSSI SUR MES ACTIONS
Publié le 11/08/2025

La Bourse de Paris a terminé la semaine en hausse, portée par des informations de Bloomberg selon lesquelles Washington et Moscou travailleraient à un accord prévoyant la cession par l’Ukraine…

Publié le 11/08/2025

Ce matin, Tokyo gagne 1,85%, Shanghai 0,49% et Hong Kong 0,12%.

Publié le 11/08/2025

Sur le plan statistique : Japon : Les marchés financiers sont fermés pour un jour férié (Jour de la Montagne)   Du côté des…

Publié le 11/08/2025

Les indices européens évoluent en ordre dispersé. Demain, la date limite fixée par les États-Unis expire concernant la mise en place de taxes douanières sur les produits chinois. Sur le plan…

Publié le 11/08/2025

À l'ouverture des marchés ce lundi, les valeurs européennes du secteur de la défense reculent avant la rencontre entre le président américain Donald Trump et son homologue russe Vladimir…