"Je l'ai tuée. Et puis voilà": le procès du meurtre de Lola s'est ouvert

"Je l'ai ramenée avec moi, je l'ai scotchée, je l'ai tuée. Et puis voilà". Visage impassible, Dahbia Benkired écoute sans ciller le rappel de ses aveux glaçants et le récit insoutenable de ce 14 octobre 2022, devant les assises de Paris qui la jugent depuis vendredi pour avoir violé, torturé et tué Lola, 12 ans.
Ce crime avait déclenché l'effroi et une tempête politique: cette ressortissante algérienne aujourd'hui âgée de 27 ans, était sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) au moment de ce crime commis dans l'appartement de sa soeur dans le XIXe arrondissement de Paris.
Visage empâté par rapport aux photos de l'époque, d'une voix monocorde, elle dit "pardon à toute la famille" de Lola Daviet, dont les parents étaient gardiens de l'immeuble. "C'est horrible ce que j'ai fait. Je le regrette."
Il en faudra plus. Durant les six jours de procès jusqu'au verdict le 24 octobre, les proches attendront une réponse à cette question: pourquoi?
La vérité demandée, sans haine ni colère
Le frère de Lola, Thibaut, s'adresse directement à l'accusée sans réaction: "Au nom de toute la famille", y compris le père, Johan Daviet décédé "à cause de la même personne" en 2024, "on voudrait que vous disiez toute la vérité et rien que la vérité, à toute la France et à nous", dit-il d'une voix vierge de haine ou de colère.
Les yeux rougis, ils se serrent, s'agrippent par la main, la bouche parfois entrouverte comme pour happer l'air, secoués par les sanglots. Ils sont vêtus d'un T-shirt blanc, avec le dessin d'une enfant souriante, les yeux immenses, cheveux blonds noués en queue de cheval, et cette inscription: "Tu étais le soleil de nos vies, tu seras l'étoile de nos nuits".
Dahbia Benkired n'a jamais clairement expliqué son mobile, évoquant un passe d'ascenseur refusé par la mère de Lola, un fantôme ou l'influence de djinns...
Vers 16H40 ce jour d'automne, elle était filmée dans le hall d'entrée, chargée d'une imposante malle. Une heure et demie plus tôt, elle avait abordé Lola Daviet, 12 ans, la fille du gardien de l'immeuble, de retour du collège.
Entre les deux, Dahbia Benkired a contraint la fillette terrorisée à la suivre dans l'appartement, lui a imposé des actes sexuels, l'a torturée. Enroulée d'adhésif, y compris sur l'ensemble du visage, la jeune Lola est morte asphyxiée. L'accusée avait alors placé son corps dans une malle, avant de fuir. Elle sera ensuite interpellée.
Cannabis et prostitution
Dans une chronologie de vie confuse et parfois incohérente, elle décrit une jeunesse déstructurée au sein d'une famille dysfonctionnelle, passée entre Algérie et France. Elle évoque des violences sexuelles dont elle aurait été victime, commises par un voisin à 14 ans ou "des hommes qui venaient chez ses tantes" en Algérie, avant son retour en France en 2013. Elle évoque aussi la violence d'un père.

Et puis, en France, il y eut l'absence de domicile fixe, les petits boulots précaires et la prostitution, à l'instigation, notamment, d'un petit ami dealer qui ramenait son cannabis dans sa chambre et qu'elle consommait, raconte-t-elle: "Vingt joints par jour, ça me faisait du bien". Après un arrêt, elle avait recommencé à fumer massivement la semaine avant le crime, affirme-t-elle.
Les émotions transparaissent rarement, même si un sourire se dessine quand est évoqué son premier emploi après son CAP restauration ou qu'un rire est réprimé à la lecture d'une déposition d'une de ses deux soeurs, évoquant leur enfance.
Selon les experts, qui ont relevé des "conduites manipulatoires", l'accusée ne souffre pas de "pathologie psychiatrique majeure". La mort de sa mère fut un "point de bascule", comme le suggère l'enquête? Dahbia Benkired acquiesce mais a oublié la date, le 9 septembre 2020.
"Que la justice soit rendue pour ma fille"

Quand elle n'entend ou ne comprend pas, elle fait répéter. Sa soeur l'a décrite comme la "mauvaise graine" de la famille. "C'est quoi +mauvaise graine+?". Et qu'est-ce que cette vie d'"errance" évoquée par le président ?
Avant le procès, le collectif identitaire Nemesis a déployé devant le Palais de justice une banderole "OQTF non appliquées. Je ne veux pas être la prochaine". Un groupe de la même mouvance, Les Natifs, s'est filmé taguant un trottoir proche: "L'immigration tue nos femmes, nos mères et nos sœurs".
En 2022, le parti d'Eric Zemmour avait dénoncé un "francocide" et organisé une manifestation. La famille de l'adolescente avait alors réclamé qu'on n'utilise plus son nom. A la barre vendredi, Delphine Daviet a juste dit: "J'attends que la justice soit faite", qu'elle "soit rendue pour ma fille Lola".
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